Des grandes Maisons au sur mesure avec Christelle Troublé
Christelle Troublé est prototypiste et designer de lunettes. Après 16 ans passés en tant que maquettiste chez Alain Mikli, elle est devenue indépendante et mène différentes collaborations pour proposer le sur mesure aux opticiens et à leurs clients. Nous l’avons rencontrée.
© Christelle Troublé
POUVEZ-VOUS NOUS DÉCRIRE ET VOTRE PARCOURS ?
J’ai été formée aux métiers de l’optique au lycée Fresnel, mais dès le départ j’ai développé une passion pour la création, avec la marque MIKLI comme référence. En sortant de l’école, après une courte période en boutique, une amie qui travaillait chez Alain Mikli m’a fait visiter leurs ateliers. Il se trouve que justement l’entreprise cherchait à rajeunir son équipe, c’est ainsi que je suis rentrée en tant que maquettiste pour concevoir les modèles commandés en magasin. Au fur et à mesure, j’ai commencé à dessiner les montures des nouvelles collections. J’assurais également le suivi technique complet. En fait, il s’agissait de mener tout un processus de création de A à Z : faire les premiers croquis puis le dessin industriel, façonner la maquette, l’envoyer aux fabricants, effectuer les modifications en fonction de leurs commentaires, jusqu’à ce que le prototype soit validé.
Hélas, l’entreprise a été revendue et la production entièrement délocalisée en Italie. Depuis, je me suis mise à mon compte.
COMMENT A ALORS ÉVOLUÉ VOTRE ACTIVITÉ ?
Aujourd’hui, en tant qu’artisan créateur, je retrouve le métier que j’ai connu chez MIKLI, mais j’œuvre pour d’autres créateurs. Je réalise le dessin technique, le prototype. Je dois ensuite trouver un fabricant, régler les différents problèmes de conception. Ce dont je me sens le plus fière ? Avec Jérémy Tarian, nous venons d’obtenir le SILMO d’Or pour la monture Graphic !
© Christelle Troublé – Jérémy Tarian – Collection Graphic – Modèle G03
UNE BELLE RÉUSSITE ! POURSUIVEZ-VOUS D’AUTRES COLLABORATIONS ?
En effet, je travaille entre autres avec la boutique MIKLI, rue des Rosiers, pour effectuer des réparations, des modifications au niveau du nez ou de la charnière, conseiller les clients qui désirent un modèle sur mesure. Certains attachent des souvenirs particuliers à leurs lunettes, je fais alors tout pour les sauver !
VOUS PROPOSEZ ÉGALEMENT DU SUR MESURE ?
Oui, même si cela ne représente pas l’essentiel de mon activité. Je redonne vie à des lunettes disparues, dont certaines sont emblématiques de la maison MIKLI. Je les fabrique à l’ancienne, sans ordinateur, en façonnant les montures à la toupie. Pour les finitions, j’utilise une lime et je termine les collages, s’il y en a, à la main. J’aime jouer avec les couleurs, créer des pleins et des creux, des biseaux, des formes très travaillées.
© Christelle Troublé
UN VRAI TRAVAIL D’ORFÈVRE… RENCONTREZ-VOUS DES DEMANDES PARTICULIÈREMENT DIFFICILES OU ORIGINALES ?
Il arrive en effet, régulièrement, que des clients exigent des montures d’une grande complexité technique, pour des occasions particulières comme des défilés par exemple.
VOUS NE MANQUEZ PAS DE NOUVEAUX PROJETS. QUELS SONT CEUX QUI VOUS ONT LE PLUS MARQUÉE DANS VOTRE PARCOURS ?
© Christelle Troublé
Le modèle Graphique, récompensé d’un SILMO d’or, bien sûr ! Mais je me souviens également de m’être beaucoup amusée sur certaines collections chez Alain MIKLI, avec de très bons résultats à la clé. Par exemple sur la ligne « les asymétriques », les solaires réalisées pour la designeuse de bijoux Delfina Delettrez, ou encore les lunettes en wax pour la chanteuse Imani. Cependant, les collaborations avec les grands noms de la mode, comme Courrèges ou Jean-Paul Gautier, m’ont tout autant marquée.
C’était une très bonne école, Alain Mikli était le seul à fonctionner avec un atelier et des maquettistes, cela n’existe plus aujourd’hui.
QUEL SERAIT VOTRE RÊVE À PRÉSENT ?
Je n’envisage pas pour le moment de donner vie à mes propres créations, car j’aime me mettre au service de grandes Maisons, avec leur histoire. Ce que j’apprécie tout particulièrement, c’est que ce ne sont pas des entreprises spécialisées dans la lunetterie, et donc je dois reprendre leurs codes, retranscrire leur ADN dans un modèle. Et puis je souhaite continuer à travailler à la main, de manière artisanale, le plus longtemps possible. Malheureusement, c’est un savoir-faire en voie de disparition. Je mets tout en œuvre pour le faire perdurer !
© Christelle Troublé – Jérémy Tarian – Collection Graphic – Modèle Sacré Coeur
